Kimagure OrangeRoad

Réflexion 45 :

APPLES ou la Première Revanche

Par Punch

 

Je vous présente un travail de traduction et de réflexion menée par Punch (qui, vous vous en souvenez, a déjà présenté sur ce site la Réflexion 42 concernant la Saint Valentin au Japon). Pour rester sur la note sentimentale, Punch nous propose de découvrir ici, "APPLES" ("Pommes" en français), une histoire courte écrite et dessinée par Izumi Matsumoto parue en durant le premier semestre 1988, dans le magazine Super Jump n°6 (Juin 1988 ?). Le magazine ayant été mensuel jusqu'en 1991, il est devenu bi-mensuel depuis lors.

Apples est donc sorti près d'un an après KOR (dernier épisode paru dans Weekly Shonen Jump dans le n°42 d'Octobre 1987), mais cette histoire a sans doute été conçue durant la fin du manga de KOR. C'est une histoire totalement inédite en France (mais pas en Italie qui l'a traduite officiellement en 2004) et qui montre beaucoup de moments symboliques que nous pouvons aussi rapprocher avec KOR.

En Juillet 2014, lors de sa venue en France pour participer à la 15ème convention Japan Expo, Izumi Matsumoto a indiqué en conférence qu'une de ses histoires, Sesame Street, était une revanche d'Hikaru. En effet, à la fin de KOR, beaucoup de fans Japonais ont été tristes du sort d'Hikaru. Pour consoler ces fans, Izumi Matsumoto a dessiné Sesame Street (paru en Novembre 1988 dans le magazine Super Jump), où le personnage de Karin, ressemblant à Hikaru, réussit à conquérir celui qu'elle aime. Mais ce manga est resté inachevé.

L'histoire courte appelée "Apples" que Punch vous présente aujourd'hui, s'inscrit dans la même optique que Sesame Street. En effet, on y découvre des personnages ressemblant étrangement à Kyosuke, Madoka et Hikaru, en plus adultes, dont l'intrigue amoureuse tourne en faveur de la jeune fille qui ressemble à Hikaru. C'est la raison pour laquelle, on peut penser que "Apples", au même titre que Sesame Street, est aussi une "revanche d'Hikaru". C'est quelque part une "première revanche" de sa part, puisque "Apples" est paru avant le début de Sesame Street (1er semestre 1988 contre Novembre 1988). Ainsi, on peut s'interroger sur l'aspect répétitif des victoires de la part des Hikaru-like post KOR. Pourquoi Izumi Matsumoto s'est-il à l'époque tant attaché à montrer à plusieurs reprises des visages d'Hikaru victorieux ?...

Mais pour le moment, nous allons vous laisser entre les mains de Punch qui vous présente son travail de traduction et de réflexion de fond sur l'histoire "Apples". Une dernière chose : "Apples" peut être considérée comme la toute première oeuvre d'Izumi Matsumoto mettant le pied dans le monde numérique. En effet, cette histoire a été colorisée par les effets numériques de l'époque.

Bonne découverte à vous.

CyberFred
Août 2014

 

Après avoir assisté à la conférence d’Izumi Matsumoto, j’ai eu envie de découvrir ses autres travaux en dehors de KOR. Je me suis donc procuré les artbooks « Digital Short Contents » et « Graphic Anthology ». J’ai aussi mis la main sur une version traduite en italien du premier ouvrage (« Izumi Matsumoto World »). Ayant étudié l’italien, j’ai ainsi pu comprendre les différentes histoires et j’ai réalisé la traduction de l’histoire courte « Apples ».

Premier élément, les trois personnages apparaissant dans cette histoire ne portent pas de noms, mais ils ressemblent fortement au trio de KOR. Cette histoire ayant été écrite en 1989, juste après la fin du manga, ces ressemblances ne peuvent donc pas être fortuites.

L’histoire débute par une discussion entre la « jeune femme brune » habillée en rouge et son petit ami au sujet de la façon de manger une pomme. Cet acte pouvant paraître anodin reflète en fait la façon dont la « jeune femme brune » voit le monde. Elle recherche la sécurité et la stabilité tant à travers le fait de laver et d’éplucher la pomme et que son petit ami ait une situation professionnelle sérieuse. Elle ne veut pas d’un NEET (Not in Employement, Education or Training), terme fréquent pour désigner les inactifs ou les classes sociales modestes au Japon. Cette « jeune femme brune » bien que très belle, dégage à mon sens une impression de froideur et de sophistication exagérée. La couleur rouge de ses vêtements et de la pomme, renforce ce côté agressif et quelque part effrayant.

ShibuchikaCe qui n’est pas explicite dans l’histoire, c’est que le « jeune homme » mange la pomme rouge épluchée par sa petite amie. C’est à ce moment-là que sa vie bascule et que le monde lui apparaît en noir et blanc. De la même façon, on comprend indirectement que la « jeune femme brune » a posé un lapin au « jeune homme » mettant ainsi un terme à leur relation pourtant longue de trois ans. Parmi les éléments du décor de la ville, on peut remarquer un écran géant montrant probablement des informations au sujet de la guerre en Afghanistan. Ainsi que la statue du célèbre chien « Hachikô » situé dans le quartier de Shibuya à Tôkyô point de rencontre fréquent pour les amoureux.

À la page 10, on découvre Shibuchika qui est un centre commercial souterrain dans le quartier de Shibuya et tout proche de la statue d'Hachikô.

S’en suit un écran digne des jeux de drague (ou dating sim) dont raffolent les Japonais. Le héros doit choisir l’action à mener pour continuer l’histoire. Ce qui est sans doute là le moyen de dédramatiser l’histoire, car il s’agit plus d’un « continue » que d’un « game over ». J'ai moi-même expérimenté, il y a quelques années déjà, ces célèbres jeux de drague nippons. Ils se différencient selon leur adaptation à un public masculin ou féminin et l'âge du public visé (les jeux pour adultes appelés Eroge sont plus explicites). Je vous donne comme exemple « True Love » datant de 1995 que j'avais beaucoup apprécié à l'époque.

True Love

Le « jeune homme » travaille dans un konbini (ou convenient store), un magasin faisant partie d’une grand chaîne comme il en existe beaucoup au Japon et aux Etats-Unis. Ce type de magasins a pour particularité de vendre un peu de tout, et d’être ouvert 7 jours sur 7 et 24h sur 24.

Le tournant de l’histoire est marqué par l’arrivée d’une « jeune femme blonde » qui est elle habillée en vert. Alors que le « jeune homme » ne voyait plus qu’en noir et blanc, il arrive pourtant à la voir en couleurs. La couleur verte marque donc ici l’espoir et en quelque sorte le retour à la vie. A son grand étonnement, la « jeune femme blonde » choisit la pomme verte. Je pense que son explication de la différence entre la pomme rouge et la pomme verte est un peu trop psychologique. Une pomme verte n’est pas forcément une pomme pas mûre ! Il existe bien évidemment plusieurs variétés de pommes aux couleurs et aux goûts différents…

La réaction de la « jeune femme blonde » aux explications du « jeune homme » peut aussi paraître surprenante. J’y vois là simplement une manifestation visible de l’intérêt amoureux voire même du coup de foudre. La vision colorée revient au « jeune homme » une fois qu’elle a croquée dans la pomme verte. Cet acte symbolique prouve qu’elle partage les mêmes sentiments que lui. Ce qu’elle confirme elle-même verbalement en disant qu’elle venait régulièrement dans ce magasin pour le voir. On peut alors se demander comment il a fait pour ne pas la remarquer jusqu’à présent ? Peut-être parce qu’avant de croquer la pomme rouge, il voyait le monde en couleurs et ne pouvait donc pas la distinguer des autres personnes ? On remarquera aussi, que contrairement à KOR, le « jeune homme » et la « jeune femme blonde » ne mordent pas au même endroit de la pomme. Il n’y a donc pas de baiser indirect, car leur relation est naissante.

L’histoire se conclut d’une manière positive, (près d’un escalier !), avec le vert des arbres qui symbolise le renouveau et le début d’une éclatante nouvelle relation amoureuse.

La question finale qui pourrait se poser est : pourquoi Izumi Matsumoto a-t-il choisi la pomme comme élément central de cette histoire ? La pomme, tout comme l’orange, peut avoir plusieurs symboliques. En tant qu’occidentaux, nous voyons avec évidence le rapport avec le « fruit défendu » évoqué dans la Bible. Mais il existe d’autres significations, comme le cadeau échangé entre amoureux dans la mythologie greco-romaine ou le côté érotique de la ressemblance de la pomme (tant entière que coupée en deux) avec l’anatomie féminine.

Chacun pourra se faire son avis sur la question…

 

 

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Punch
Août 2014

 

 

 


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Apples est Copyright © Izumi Matsumoto

La traduction présentée est réalisée par Punch - 2014