Kimagure OrangeRoad

 Anohi ni Kaeritai (1988)

 

Le 1er film de KOR

 

 

Attention !  Si vous n'avez pas encore vu ce film, ne lisez pas ce qui suit !

 

Le destin du Triangle se joue dans ce film


Quarante huit épisodes ! Quarante huit épisodes et enfin, cette fameuse image... Il en a fallu du temps et des mésaventures pour voir se concrétiser les amours de Kyosuke Kasuga et Madoka Ayukawa. Mais ça y est ! Pourtant, si le dernier épisode nous offre le spectacle d'une fin tout aussi fabuleuse que touchante, il nous fait presque oublier qu'il reste encore un obstacle, un très léger petit problème qui pourrait entraver leur bonheur : Hikaru Hiyama.

 

Madoka regardant Kyosuke
Madoka et le calme avant la tempête
L'événement qui va tout déclencher
Madoka pas contente du tout
Madoka fait vraiment la tête
La fameuse discussion entre Kyosuke et Hikaru
Hikaru tente par tous les moyens de recontacter Kyosuke. Remarquez l'ours où une aiguille est plantée dans son coeur.
Le ticket de cinéma du film
Kyosuke et Madoka s'avouent enfin leur amour. Mais à quel prix !
Les compères, toujours en train de taquiner les jumelles
Les larmes de Madoka
Les larmes de Hikaru
Hikaru est obligée d'employer la force pour garder Kyosuke
Après avoir tout tenté, Hikaru a tout perdu
La scène la plus dure du film : Kyosuke en larmes faisant ses adieux à Hikaru

Le film de Kimagure Orange Road : Anohi ni kaeritai ("Je voudrais revenir à ce jour-là") scelle la destinée de ces trois personnages qui nous ont entraînés dans leurs jeux, leurs folies et leurs caprices, laissant sur nos visages sourires, larmes et parfois même beaucoup d'incompréhension. Cepandant, il est bien loin le temps des minauderies d'adolescents et des tours de magie. Ce film prend le parti de la vie réelle, où les jeux amoureux en triangle - ou autres formes géométriques - trouvent la plupart du temps une solution destructrice. Ainsi, Kyosuke Kasuga est mis ici en demeure de choisir entre les deux filles qu'il aime... Et ce qui en résulte n'a rien de très amusant.

"C'est aujourd'hui que nous allons connaître le résultat des examens. Le vent du nord fouette nos visages, soulageant nos esprits inquiets. Février... en ce jour où tout finit... et où tout commence."

Le film débute sur des images en noir et blanc. Madoka et Kyosuke se rendent dans les locaux de l'université pour connaître les résultats de leurs examens d'entrée. Alors qu'ils traversent le campus, Kyosuke croit entendre la voix de Hikaru. Mais ce n'est pas elle. Juste une fille, demandant à son amoureux s'il viendra la voir jouer dans une pièce de théâtre... La même question que Hikaru lui avait posé quelques mois auparavant, à l'Abcb.

Flashback...

Le noir et blanc devient couleur et nous "revenons à ce jour", où Hikaru annonçait à Kyosuke son désir de jouer dans une comédie musicale montée par l'école pour la fin de l'année scolaire : "Down Town Cats".

Pour Hikaru, c'est un été comme tous les autres, et son enthousiasme légendaire ne semble pas prêt de décroître, d'autant plus que la perspective de jouer dans cette pièce la rend plus hystérique que jamais. Mais cette charmante gamine, aux sautes d'humeurs extrêmes, dérange fortement Madoka et Kyosuke qui endurent déjà la pression des examens dont dépend leur avenir d'étudiant.

Les événements qui suivent vont mettre en place la destruction de ce qui faisait l'intrêt - frustrant - de la série. Jusque-là, Kyosuke avait laissé se former - sans doute par inconscience, si ce n'est par machisme éhonté - cet incroyable triangle amoureux, avec l'accord tacite de Madoka, pour éviter de faire le moindre mal à la trop émotive Hikaru. Mais au point où en sont arrivées les choses, il serait peut-être temps de clarifier la situation. Alors que tout aurait pu rester tel quel entre nos trois amis, Kyosuke va commettre l'erreur fatale, celle de se laisser embrasser par Hikaru. A partir de cet instant, la machine se met en marche... Pour Hikaru, la situation est simple : elle est arrivée à ses fins. Elle est devenue la fiancée de Kyosuke, alors que pour le jeune homme, la situation est encore très incertaine. La réaction de Madoka à cette nouvelle est assez violente, puisqu'elle rompt - avec fracas - tous les liens qu'elle avait avec Kyosuke.

Pourtant, le soir du festival, ce sera elle qui renouera le contact, imposant à l'indécis de règler une fois pour toutes la situation. Aussi, le lendemain, Kyosuke demandera-t-il à la petite rouquine de ne plus croiser sa route.

Mais Hikaru (qui avouera qu'elle savait depuis le début ce que Kyosuke et Madoka éprouvaient l'un pour l'autre) n'est pas prête d'accepter cet état de chose. Aussi, loin de disparaître, ne cesse-t-elle de chercher à contacter Kyosuke et de le supplier de venir la voir jouer dans son spectacle. Les scènes s'enchaînent entre les rencontres avec Hikaru, les répétitions de la pièce, les révisions, les cours de préparation aux examens et les coups de téléphone, pour arriver au jour de ce fameux concours d'entrée. L'atmosphère est déchirante, mais c'est pourtant le prix à payer.

L'épilogue reprend ses tons de gris pour nous apprendre l'admission de Madoka et Kyosuke à l'université de Waseda, ainsi que le succès de Hikaru dans le rôle principal de la pièce. Après les scènes d'une violence intérieure qui arrachent sans mal quelques larmes aux spectateurs, les liens qui unissaient les trois héros sont irrémédiablement détruits, et la nouvelle vie qui s'annonce pour eux, s'enfante dans la douleur et les larmes.

Le premier long métrage de Kimagure Orange Road est un film très dur à voir, en particulier pour les fans de la série : fin définitive de l'histoire, fin de ce suspens sentimental entretenu par l'indécision du personnage principal... C'est aussi et surtout la fin d'une amitié que rien, semble-t-il, ne pouvait détruire... si ce n'est la décision de rompre le silence !

D'une série divertissante proche de la comédie et de la farce, on est passé au drame dans un film sérieux et un peu sombre... Pour la simple et bonne raison "qu'on ne badine pas avec l'amour". Les éléments comiques et les pouvoirs extrasensoriels de la famille Kasuga n'apparaissent plus. Tout le monde a l'air plus adulte. Les personnages secondaires qui envahissaient l'écran dans la série sont devenus totalement inintéressants quant au déroulement de l'intrigue. Alors que la plupart du temps, c'était eux qui tiraient les ficelles et obligeaient les héros à agir, ils ont, dans ce film, un rôle de décoration et détendent l'atmosphère de cette intrigue. Kurumi et Manami ne provoquent plus de catastrophes. Komatsu et Hatta ne font plus de plans extravagants, mais sont toujours aussi obsédés. Quant au personnage de Yusaku, il n'apparaît même pas ! En fait, il ne reste plus de ce charmant univers d'une adolescence insouciante qu'un chat étrange un peu plus vieux, un peu plus gros et de plus en plus léthargique.

Mais quels changements dans l'attitude des personnages principaux et dans leurs rôles ! Il est assez difficile de prendre parti dans cette action. La merveilleuse Madoka devient presque la "méchante" de l'histoire. Alors que nous avions l'habitude de la voir protéger Hikaru, elle signe presque son arrêt de mort. Pourtant, l'intransigeante Madoka, si dure avec ceux qui l'entourent, dévoile par ses larmes une fragilité insoupçonnée. "... Je te connaissais... Je me sentais en sécurité parce que je pensais connaître tes sentiments. Je paye peut-être le prix d'avoir cru en leur stabilité". Madoka fragile, déboussolée et en pleurs. Madoka jalouse dans le silence, sans un cri et tout en amour : "Je ne te blamerai pas. Si je te blamais, tu n'aurais personne pour te soutenir".

Hikaru est bien différente de Madoka. Il est vrai que la position est différente également. Elle vit tout en explosions dans des cris et des larmes de rage. Ses réactions sont intenses et violentes, se dirigeant aussi bien vers l'intérieur que vers l'extérieur. Ses rêves sont brisés... et par conséquent, elle aussi est réduite à néant. Les confrontations sont aussi violentes physiquement que verbalement :

Hikaru : " Cesse de m'IGNORER ! "
Kyosuke : " CA SUFFIT ! "

Et un peu plus loin, Hikaru demande une dernière fois : " N'as-tu jamais ressenti de l'amour pour moi ?... Que dois-je penser de toi, Sempai ?... REPONDS-MOI ! ! "

La fragile Hikaru développe ici une force dramatique d'une prodigieuse intensité : elle, si adorable, si parfaite pour être l'épouse de Kyosuke, a tout perdu dans une passion aveugle.

Est-il raisonnable de parler enfin de ce jeune homme irresponsable ? Il est très difficile d'apprécier sa conduite. Victime ou coupable, il est les deux à la fois. Mais on peut se permettre de penser qu'il a pris la bonne décision : sa vie allait prendre un nouveau tournant, et ses plans d'avenir ne pouvaient plus tenir compte de Hikaru. Il n'est pas facile d'apprécier le ton de ce film, ainsi que que celui de son dénouement. On atteint ici des sommets d'émotion, sans doute dûs à une trame qui met en déroute le spectateur trop habitué à l'aspect pétillant de la série et des OAV. Le grand réalisme sentimental de ce film est une de ses grande réussites où le coeur se serre, suspendu au jeu des sentiments de chacun dans l'attente angoissée d'une fin pourtant annoncée. La récurrence des couchers de soleil et du calme des images impose à l'intrigue une ascension vers le tragique. Avec cette force et cette cruauté, les scénaristes s'approchent - avec hardiesse - de l'intensité émotive de Windaria et Hotaru no Haka, sans pourtant les égaler dans la manipulation de l'esprit du spectateur. En somme, c'est un film d'une grande beauté scénique et artistique, à conseiller aux fans de la série et aux amateurs d'histoires d'Amour...

Hikaru

Anohi ni Kaeritai :  Matsumoto/Shueisha/NTV/Toho
 

 

 

Anohi ni Kaeritai : Philosophie politique 

Anohi ni Kaeritai nous a beaucoup dérangés lorsque nous l'avons vu et compris. C'est la preuve d'au moins une chose : le film fait appel à des concepts de notre culture dont nous n'avons pas immédiatement conscience. Reste à les déterminer. Nous avons alors commencé une liste de caractéristiques attribuables à l'action, ainsi qu'aux personnages.

Série : vigueur, rapidité, amusement, comique, insouciance, action, amour = enfant.

Film : faiblesse, lenteur, monotonie, dramatique, responsabilité, agitation, amitié = adulte.

On appellera agitation une compulsion d'action sans véritable sens et sans réalisation.

Le problème social posé est celui du ménage à trois. Dans la nouvelle Eloïse de Rousseau, pour permettre de réaliser une véritable société positive dans tous les sens du terme, les protagonistes sont contraints de passer de l'opposition stérile (conflit de trois sujets s'objectivant) au ménage à trois. L'amour passe au stade d'amitié, en ce sens que l'amitié est fondée sur la raison, définition que je pose ici par défaut. C'est en cela que se produit le passage à l'état adulte, c'est à dire, à la responsabilité.

Ano Hi ni Kaeritai est en quelque sorte une application du principe Rousseauiste dans la société Japonaise moderne. Et le drame est que - alors que le ménage à trois était déjà créé - ce principe est contraint de se rompre à cause des structures de la société, matérialisée par une université titanesque qui éclipse peu à peu nos personnages. Et ceci a l'effet contraire de celui que devrait offrir le passage à la responsabilité : le couple Kasuga/Ayukawa s'enferme, devenant incapable d'agir à sa guise, renfermé sur lui-même et sur des sentiments, comme la jalousie. Les héros ne deviennent adultes que par leur âge, dominés par un contrat social dans lequel ils n'auront aucun rôle actif. C'est finalement un mélange détonnant de conformisme Nippon et d'individualisme occidental qui triomphe. Seule Hikaru échappe à cette tyrannie, et se joue des pressions qui agissent sur elle. Et c'est bien ici ce que symbolise le jeu théâtral. Elle seule a donc encore un rôle à jouer. 

Si vous ne connaissez pas assez bien le contrat social de Rousseau, ma foi tant pis, pour les autres, j'espère qu'elle constituera une voie de réflexion...

Cédric LITTARDI

 

 


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