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Réflexion 48 :

« L'école impudique » : source d'inspiration pour KOR ?

Par Punch

 

Lors de sa venue en France en 2014 à Japan Expo, Izumi Matsumoto a donné une conférence publique et a accordé à des journalistes plusieurs interviews. Au cours de celles-ci, il a cité les auteurs et les œuvres l’ayant marqué dans sa jeunesse, et qui, quelque part, ont influencé la création de Kor. Parmi ceux-ci il y a Gô Nagai.

Je me suis demandé quel pouvait être le point commun entre l’auteur connu surtout chez nous pour Goldorak et Kor ? En s'approchant plus près de la carrière de Gô Nagai on distingue trois courants narratifs : les robots géants, l’hyperviolence et l'érotisme. Pour chacun d’entre eux, on peut citer au moins une œuvre culte : « Mazinger », « Devilman » et « Cutie Honey ». Les frontières entre ces trois types de récit peuvent être poreuses comme « Cutie Honey » : où l'héroïne est une androïde qui se dénude en changeant de costume pour se battre contre des monstres.

Dans la liste de ses œuvres érotiques, il y a « L’école impudique » (ou « Harenchi Gakuen » en VO) cité expressément par Izumi Matsumoto (voir par exemple dans cette interview) :

Le manga a été édité en France aux éditions Black Box en 6 tomes en 2017 :

Cette réflexion sera décomposée en deux brèves parties : la présentation et mon avis global sur le manga et le personnage de Jûbei.

Le manga « L’école impudique » a été publié dans le Weekly Shônen Jump à partir de 1968. À sa lecture, on sent que l’auteur a voulu casser les codes (comme en rompant le quatrième mur en s’adressant directement à ses lecteurs), repousser les limites de ce qui était montrable et servira indéniablement de référence au genre comique et érotique/ecchi. Comment ne pas penser à des œuvres comiques telles « Le collège fou fou fou » (« Kimengumi High School ») ou les innombrables mangas harem existant de nos jours ? Même les séries shônen, pourtant orientées combat, ont toutes leur lot d’héroïnes qui cachent assez peu leurs formes avantageuses (rien de tel qu’un bon combat pour déchirer judicieusement les vêtements).

La période de publication de 1968 à 1972 est importante dans l'Histoire du Japon pour resituer le récit dans son contexte. S’il y a eu mai 1968 en France, les mouvements étudiants japonais furent plus longs et plus violents, s’étendant sur la même période que le manga. On peut dire quelque part, qu’il s’agit d’une période charnière entre un Japon d’après Seconde Guerre mondiale rigide et un Japon plus enclin à la paix et à la légèreté tel que nous le connaissons actuellement.

On y suit les « aventures » de Yasohachi Yamagishi surnommé « Boss » par les garçons. Fils de boucher, il est plus enclin à la bagarre et aux jolies filles qu’aux études. Véritable bourreau des cœurs, il a un côté héroïque compensant un peu son côté pervers. Sa préférée reste néanmoins Mitsuko Yagyû qu’il surnommera immédiatement « Jûbei ».

« L’école impudique » est un manga plus érotique que romantique. En ce sens, le héros, Yasohachi, classe plus les filles selon leur physique que par les sentiments qu'il éprouve à leur égard. S'il apprécie autant Jûbei, c'est que, selon ses critères, c'est elle la plus jolie. Il se trouve qu'elle est amie avec Ayu, qui se trouve elle la seconde du classement. On peut dire que toutes les autres filles pas trop moches sont troisièmes ex-aequo. Si Yasohachi a un comparse surnommé Ikodamari (un personnage assez inutile et remplaçable), quelque part, Ayu n'est que la comparse de Jûbei. Il s'agit pour l'auteur de dégager une sorte de quarté principal de personnages qui vont être mis plus en avant que les autres élèves.

Si les élèves masculins ont leurs hormones qui leur travaillent, les professeurs ne sont pas en reste. Très souvent, un chapitre se résume à qui aura la meilleure idée entre les élèves et les professeurs pour voir le maximum de filles nues…

La première partie du manga, qui correspond aux trois premiers tomes de l’édition française, est vraiment hilarante, avec une surenchère permanente en inventivité comico-coquine. C’est à ce moment-là que l’auteur décide d’une véritable guerre entre l'éducation nationale japonaise et l’école impudique car toutes les limites morales auraient été franchies.

La deuxième partie introduit de nouveaux personnages élèves et professeurs. Mais même avec la présence de la charismatique Jûbei, le cœur n'y est plus. Comment retrouver l’innocence et l’humour après un tel déchaînement de violence ? Il n’y a d’ailleurs plus vraiment d'originalité tant l’auteur semble être allé au bout de son concept.

À ce stade, vous vous demandez certainement où est le rapport de ce manga avec Kor. C’est là qu’intervient le personnage féminin principal de Jûbei.

Si son nom provient d’un samouraï masculin célèbre, notre héroïne est ici la fille aînée d’un clan de ninjas. Elle est rompue aux arts martiaux : coups de pieds, de poings, prises de judo, lancer de shuriken, maniement du sabre...

C’est une très jolie jeune fille aux longs cheveux noirs. Elle est amoureuse du héros. Très douée dans les études, elle deviendra même professeur dans la deuxième partie du manga ! Au début, elle est assez réticente aux avances du héros, mais n’hésitera pas bien longtemps à se montrer dénudée en sa présence. Bien que très forte, elle a aussi un côté fragile, et a peur de l’orage et des fantômes. Parfois surpassée par le nombre de ses adversaires, elle n’est pas contre l’aide du héros (arrivant le plus tardivement possible) qui la portera même une fois sur son dos. On ajoute un pseudo triangle amoureux avec la blonde Ayu et je pense que vous cernerez le personnage. Attention, entendons-nous bien : il n'y a pas de triangle amoureux à proprement parler entre Yasohachi, Jûbei et Ayu.

Je vous ai dit précédemment que Jûbei était issue d'une famille de ninjas. Sauf, qu'il ne s'agit que de son côté maternel. Son père est tout petit et n'a jamais reçu d'entraînement et n'a d'ailleurs aucune affinité avec les arts martiaux. Il est marrant de voir la mère de Jûbei plus grande et plus forte que son mari qu'elle martyrise (elle est d’ailleurs très moche, on se demande de qui tient sa fille !). Il n'y a que Jûbei qui a assez de cœur pour défendre et prendre en pitié son pauvre père. De ce point de vue-là, je trouve qu’il y a un parallèle avec les parents de Kyôsuke. Sa mère avait des pouvoirs, alors que son père n'en a pas. Dans les deux mangas, cette situation sert surtout à créer un décalage humoristique. Peut-être qu'Izumi Matsumoto s'est-il aussi servi de cette famille peu ordinaire pour créer celle de Kyôsuke ?

Ce que j'ai essayé de vous démontrer dans ma sélection de photos (galerie présentée plus bas), c'est que Jûbei est une femme très forte qui n'a (pratiquement) peur de rien. Je n'ai pas mis d'images d'affrontements où elle est seule contre une multitude d'adversaires (parfois des bandes avec des armes) car elle finit très souvent dénudée. Cela vous donnera peut-être aussi plus envie de vous procurer le manga.

Mais, elle a aussi un côté « fragile » qui peut s'exprimer par moments. Elle refoule aussi temporairement ses sentiments pour le héros après la guerre en hommage à ses camarades disparus.

Ce côté forte et fragile à la fois de Jûbei fait aussi penser au caractère de Madoka. Il est intéressant de se demander comment Gô Nagai en est venue à cette idée. On peut trouver une partie de l'explication dans cet ancien article en anglais de 2007 : « 40-year veteran of ecchi manga Go Nagai says brains more fun than boobs ».

Je vous en cite un passage traduit par Google :

« Mes héroïnes étaient des types qui se cachaient derrière l'idée de la sexualité masculine. C'est pourquoi je les ai dessinées comme des personnages incroyablement forts », dit-il. « Ce que j'ai dessiné n'était pas de l'érotisme. Il s'agissait de la culture de la honte au Japon. Les personnages veulent montrer ce qu'ils ont, mais ils sont trop gênés pour le faire. Il s'agit de la lutte acharnée entre hommes et femmes. Je voulais que cet embarras soit l'érotisme des histoires. »

Même si Madoka est beaucoup moins dévergondée et roublarde que Jûbei (il faut l’excuser vu l’environnement dans lequel elle vit), on retrouve donc beaucoup de points communs entre ces deux personnages. Ce manga a bien eu une influence certaine sur la conception de Kor et, plus particulièrement, dans l’élaboration du personnage de Madoka.

À titre d’informations complémentaires à la fois sur le manga et son contexte historique, je vous invite aussi à regarder ces quelques vidéos :


Manga à Chaud #15 - L'ecole Impudique - Harenchi Gakuen

 


Go Nagai : L’école Impudique, le début du Ecchi [ Nihon Bazar #33 ]

 


L'école impudique - Mangado La voie du manga

 

Galerie d'illustrations de Jûbei :

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Jûbei qui désarme un homme arme par une prise (de judo ?)

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Jûbei qui arrête des shurikens avec son sac d'école.

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Jûbei qui lance des shurikens.

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Une attitude souriante presque "Madokaesque" (oui elle est toute nue !).

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Cette scène ne vous fait-elle pas penser à celle du grand arbre entre Madoka et Kyôsuke ?

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Jûbei effrayé par le bruit fracassant d'un éclair.

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Quand les vêtements sont mouillés, il faut bien se dévêtir et se réchauffer auprès d'un bon feu. Notez la jolie blonde à côté de Jûbei.

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Un petit soulevage de jupe de rigueur. Là, c'est la version avec culotte.

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Suite de l'image précédente, mais la pauvre Jûbei est encore plus gênée car elle n'a rien sous sa jupe.

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Le couple unit face aux horreurs de la guerre

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Un exemple des prouesses physiques de Jûbei

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Jûbei effrayée, saute instinctivement au cou de Yasohachi, le garçon qu'elle aime.

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Là aussi, une scène qui en rappelle une similaire dans Kor.

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Un exemple typique d'illustration de chapitre

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Jûbei, déterminée, prête à se battre jusqu'à la mort

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Contrairement à Madoka, Jûbei ne cache pas ses larmes.

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La tension se lit sur son visage lors d'un combat difficile.

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Jûbei pensive qui regrette d'avoir été aussi froide avec Yasohachi.

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Le grand sourire Jûbei quand elle pense au garçon qu'elle aime, seule allongée dans sa chambre.

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Un visage on ne peut plus déterminé

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Un sourire radieux (mais volontairement surjoué)

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On termine par une belle pose en maillot de bain.

 

 

 

Punch
Avril 2020

 

 

 


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Gô NAGAI

La présentation de l'oeuvre est réalisée par Punch - 2020