Chapitre I : Kidnapping






" Salut ! Vous êtes bien chez Madoka Ayukawa. Je ne suis pas là pour le moment… "

Click !

Le combiné est raccroché sur sa base.

< Je me demande bien où elle peut être à cette heure-ci… >

Aujourd’hui n’était certainement pas mon jour. Plus tôt dans la journée, mon ami Kyosuke a quitté ma chambre d’hôtel en une ruée frénétique. Puis, la compagnie aérienne a téléphoné pour m’informer que mon vol avait été retardé de deux heures en raison d’un événement spécial. Et maintenant je ne pouvais même pas joindre Madoka au téléphone.

Dring ! Dring !

< C’est bizarre… Qui ça peut bien être à cette heure-ci ? >

Dring ! Dring !

" Oui, allô ? "

" Allô ? Mademoiselle Hikaru Hiyama ? "

" Elle-même. Je vous écoute. "

" Bonjour. Excusez-moi de vous déranger, mais il y a deux personnes qui vous attendent dans le vestibule. Ils nous ont informés qu’ils étaient là pour vous escorter jusqu’à l’aéroport de Narita, avec les compliments de M. Mitsuru Hayakawa. "

< C’était bien son genre. Il devait probablement se sentir mal de ne pas m’avoir eu le rôle. Je demanderai à Madoka de le remercier de ma part. >

" Merci pour le message. Dîtes aux deux messieurs que je serais en bas dans dix minutes. D’accord ?… Merci. Au revoir. "

Elle regarde sa montre.

" Déjà 14h50 ! Mince ! Mon avion décolle à 15h30. Je n’aurais pas l’occasion de parler à Madoka maintenant. Je ferais mieux d’y aller si je veux prendre mon avion. Vite vite vite ! "

Hikaru pénètre une dernière fois dans la salle de bain afin de se rafraîchir. Ses sacs, déjà prêts, sont empilés au pied du lit. Tôt le matin, un jeune et apeuré Kyosuke est parti en hâte de sa chambre d’hôtel de peur de ce qui pourrait se passer entre eux deux.

Pendant ce temps, dans le vestibule, les deux hommes à l’apparence bizarre, portant de fades costumes noirs foncés et des lunettes de soleil teintées Ray-Ban, font les cent pas nonchalamment autour d’une petite mais pittoresque fontaine située tout à gauche du vestibule, près du hall d’accueil. Là, au somment de la fontaine repose une statue de bronze brillante d’un Bouddha souriant et saisissant un admirateur.

L’ascenseur s’ouvre sur Hikaru, apparaissant étonnement belle dans sa robe d’été blanche, tenant un sac bleu marine dans chaque main. Les deux hommes s’arrêtent et se tournent vers elle.

" Bonjour. Vous devez être les deux personnes envoyées par Hayakawa. Merci d’être venus. Pouvez-vous attendre un petit moment pendant que je vais régler ma note d’hôtel ? "

Alors que l’un des deux hommes débarrasse Hikaru de ses bagages, l’autre dit :

" Bonjour Mademoiselle Hiyama. Ne vous préoccupez pas de la note. Cela a déjà été effectué, avec les compliments de notre maître. "

" Quoi ? ? "

" Ne soyez pas surprise. Il place gentiment sa main sur son épaule pour l’escorter. Nous ferions mieux de partir si nous ne voulons pas rater l’avion. "

Elle regarde sa montre: 15h03.

" Je crois que vous avez raison. Allons-y ! "

Elle s’élance en avant, laissant l’homme trébucher alors qu’elle échappe à sa prise. Après quelques pas, elle s’arrête soudainement, faisant déraper le même homme et se pencher pour éviter de la bousculer.

" Je suis désolée. " Elle fixe la fontaine. " Mais j’ai quelque chose à faire avant de partir. Ça ne prendra qu’une minute. "

Elle marche jusqu’à la fontaine et sort une pièce de son porte-monnaie. Elle ferme les yeux momentanément pour faire un vœu. Après une longue pause, les yeux toujours clos, elle lance la pièce dans la fontaine. Elle atterrit avec un splash dans la paume du Bouddha en bronze.

" C’est bon. J’ai fini à présent. Merci de votre patience. Allons-y, maintenant. "

Je marchais lentement, traînant les pieds, réticente à quitter l’hôtel. Lorsque je suis sortie de l’hôtel, j’ai réfléchi à la mascarade à laquelle je participais; arborant un visage gai afin de dissimuler mes véritables sentiments : la tristesse. Tristesse de quitter ma ville natale Tokyo ; tristesse de quitter encore une fois mes amis ; tristesse de savoir que Kyosuke serait lié à Madoka pour toujours; et tristesse de ne pas ‘lui’ rendre mes respects.

Mais en tant qu’adulte, je devais apprendre à dissimuler mes véritables sentiments par amour des autres. À cacher la déception d’avoir été rejetée. À cacher ma solitude pendant les froides nuits de New York. À cacher la douleur de mon cœur. Je ne pouvais compter sur mon innocence enfantine plus longtemps. Je n’étais plus une enfant.

Comme Hikaru est sur le point de passer la porte de l’hôtel, elle jette un dernier regard à la statue représentant Bouddha. Alors qu’elle se retourne pour partir, on peut voir une étincelle de lumière briller sur ses dents.

Elle est conduite à une longue limousine blanche ‘Lincoln Continental’. Hikaru est impressionnée par les commodités somptueuses qui lui sont accordées. À l’intérieur, elle pousse des ‘Oh’ et des ‘Ah’ devant les aménagements : un téléphone cellulaire, une télévision par satellite, et un mini bar avec du Champagne et un plateau en argent avec des cookies saupoudrés de noix de coco.

" Des cookies à la noix de coco ! Ce sont mes préférés ! "

< Je me demande comment Mitsuru a su à propos de mon péché mignon. Peut-être Madoka l’a-t-elle mentionné alors qu’elle lui parlait de moi. >

" Mademoiselle Hiyama. Faîtes comme chez vous. Vous pouvez utiliser tous les services mis à votre disposition. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous n’avez qu’à utiliser l’Interphone. "

Bruit d’une fenêtre noire de séparation qui se lève.

< Je suppose qu’un petit verre ne me fera pas de mal. >

Elle sort la bouteille de champagne et se verse une coupe.

" Je me demande ce qu’il y a à la télé à cette heure-ci. "

Click.

" Et maintenant les informations. Ce matin, le photographe porté-disparu, Kyosuke Kasuga, est arrivé à Tokyo à bord d’un avion de l’O.N.U. parmi une foule d’officiers aériens et de journalistes. M. Kasuga a été porté disparu durant des semaines dans les Balkans et était retenu prisonnier, selon la rumeur, d’une des factions en guerre. Et maintenant quelques mots de la part de M. Kasuga lui-même.

Plan serré montrant Kyosuke avec Madoka à sa droite et son père à sa gauche. Derrière lui, on peut voir Kurumi, Manami, Kazuya, Akane, le Boss, Hatta et Komatsu. Autour d’eux, les officiers aériens.

Kyosuke:
Je suis si content d’être encore en vie et d’être rentré à la maison avec ma famille et mes amis. J’apprécie l’intérêt de mes compatriotes.

Reporter:
Quels sont vos projets après cette terrible épreuve ?

Kyosuke:
Vous savez quoi ? Je pense que je vais rentrer à la maison et que je vais faire une longue sieste. (rires de la foule). Non, je plaisante. Honnêtement, je n’y ai pas pensé. Je pense que je vais aborder les choses une par une.

Reporter:
A propos de …

Kyosuke:
Désolé. Mais je dois vraiment y aller, maintenant. Peut-être que je répondrai à vos questions quand je me sentirai mieux. Merci.

Pendant qu’elle grignote un cookie…

< Je ne peux pas le croire ! Ce ne peut-être le Kyosuke que j’ai rencontré hier. Ce Kyosuke-là semble plus grand et plus viril. Même sa voix est plus grave. Est-ce que ma raison me joue des tours, ou est-ce que j’ai vu un fantôme ? Bon, peu importe : ce nouveau Kyosuke semble plus mûr et viril. S’il avait été à côté de moi cette nuit, je n’aurais pas pu lui résister. Dommage que je doive partir. >

Elle regarde sa montre :15h10.

" Allez, je vais réessayer une dernière fois… "

Elle prend le téléphone et compose le numéro de la maison de Madoka, dans l’espoir d’avoir une dernière chance de parler à sa meilleure amie avant de partir.

" Allô. Madoka Ayukawa à l’appareil. Que puis-je pour vous ? "

" Madoka ! C’est moi. Hikaru. Mince, je suis contente que tu sois chez toi. J’ai essayé de te joindre toute la matinée ! "

Cette voix. Je n’avais pas entendu cette voix, cette douce voix chère à mon cœur depuis si longtemps. Oh, comme cette voix gaie d’Hikaru m’avait manqué.

" Oh bonjour. Cela fait un bout de temps depuis la dernière fois que l’on s’était parlées ? "

" Oui, je sais. J’avais voulu t’appeler plusieurs fois de New York, mais tu connais le prix des communications depuis là-bas. C’est déjà assez difficile d’économiser de l’argent quand tu vis à New York. Enfin, je vous ai vu Kyosuke et toi à la télévision aujourd’hui. J’espère que les choses vont bien entre vous. "

" Oui, oui. Nous venons de rentrer à la maison à l’instant. En fait, on va faire un petite fête ce soir avec toute la bande. Kyosuke et moi serions enchantés si tu venais. "

" Je suis désolée Madoka, (elle boit quelques gorgées de Champagne.), j’aurais aimé venir, mais en ce moment, je suis en route pour l’aéroport de Narita pour retourner à New York. "

" Mais tu es arrivée il y a quelques jours à peine. Pourquoi un départ si soudain ? "

" En fait, je suis venue à Tokyo pour passer une audition pour un rôle, mais je ne l’ai pas eu. Comme je ne voulais pas être ennuyée pas les formalités, j’ai décidé qu’il était mieux pour moi de repartir avant que je ne devienne trop nostalgique, ce qui aurait rendu mon départ encore plus difficile. Je suis désolée que nous ne puissions nous revoir. "

" Je suis triste de l’entendre. "

" Pourrais-tu remercier Hayakawa pour moi ? "

" Mais pourquoi ? "

" Et bien, il se trouve qu’il était un des juges de l’audition. Il m’a gentiment informée que je n’avais pas eu le rôle, bien qu’il ait voté pour moi. Il a été si gentil avec moi qu’il m’a même proposé de créer une autre pièce pour moi. J’ai gentiment refusé. "

" Mais pourquoi ? "

" Je ne voulais pas qu’il me donne un coup de pousse juste parce qu’il me connaissait. Cela n’aurait pas été loyal vis-à-vis des autres concurrentes. En plus, j’ai pensé qu’il le faisait comme pour te rendre une faveur. "

" Une faveur ? Il m’a parlé de ton audition plus tôt dans la journée. Mais je pensais qu’il avait d’autres intentions. J’espère qu’il ne t’a pas harcelée. Il est le play-boy du coin. "

" Non, non. Tu te trompes à son sujet. Il est vraiment gentil garçon, et c’était un parfait gentleman pendant mon entretien avec lui. "

" Je l’espère. Après tout, il est fiancé avec Shiori. C’est une si gentille fille. Je me demande ce qu’elle lui trouve. Il a vraiment de la chance d’avoir quelqu’un comme elle qui s’occupe de lui. "

Elle boit une autre gorgée de Champagne.

" Hein ? Qui est cette Shiori ? Tu ne m’en as jamais parlé avant ? "

" Bien, c’est une longue histoire. Rappelle-toi au lycée lorsque Hayakawa avait donné un concert lors de sa période ‘Idole des adolescents’. Par un tour du destin, il est tombé sur son amour de lycée. Ainsi, ils ont renoué avec leurs sentiments. Il a été si remué qu’il a annoncé à ses adorables fans féminines qu’il renonçait à son statut d’ ‘idole des adolescents’ afin de se lancer dans un travail musical plus sérieux. Cette fille spéciale était Shiori. "

" Whaouh ! C’est si romantique. Alors c’était elle. Mais c’était il y a presque cinq ans. Ils sont toujours fiancés ? "

" Oui. Ils se sont promis de ne pas se marier après qu’elle ait fini ses études. Elle vient juste d’avoir son diplôme universitaire en communication. Pour cet été, elle a décroché un job dans une station d’annonces locale. Après ça, je peux voir les cloches du mariage sur eux au printemps prochain. Je pense qu’elle pourra s’arrêter après. "

" Qu’est-ce que c’est supposé vouloir signifier ? "

" Comme je te l’ai dit auparavant, Mitsuru n’a toujours pas renoncé à ses tendances de tombeur de ses jours de pop-idole. Ils ne vont pas avoir beaucoup l’occasion de se voir cet été, puisqu’elle va sans doute passer de nombreuses heures à la station de radio. Et avec Hayakawa qui devient un agent à temps partiel, il va probablement être submergé par de jolies filles comme toi. C’est pourquoi je m’inquiétais de savoir s’il avait flirté avec toi ou non. "

" Madoka, tu ne devrais vraiment pas douter du caractère de Mitsuru. Et tu n’as plus besoin de me protéger maintenant. Je suis une grande fille. Il faut être forte pour survivre dans une jungle comme New York. "

" Je suis désolée, mais pour moi, tu seras toujours ma petite sœur. Je crois que ça fait partie de ma nature paranoïaque de m’inquiéter des gens que j’aime. "

" Tu ne sais pas à quel point je suis heureuse d’entendre ça, venant de toi, après tout ce qu’il s’est produit ces dernières années. Promets-moi que nous serons des amies pour toujours… que nous ne laisserons plus jamais quelqu’un se mettre entre nous, d’accord ? "

" Je le souhaite de tout mon cœur. "

J’aurais aussi voulu parler à Kyosuke, mais je pensais qu’il ne valait mieux pas.

Elle baisse légèrement le combiné de sa bouche.

" Hey ! Vous n’allez pas dans la bonne direction. Je vais rater mon avion ! "

Elle relève le combiné.

" Je suis désolée, Madoka. Le chauffeur qu’Hayakawa m’a envoyé ne connaît apparemment pas Tokyo. Je dois te laisser. Bye bye ! "

" Mais Hikaru. Où es-tu… "

Click.

À l’intérieur de la limousine…

S’en suit une scène amusante où Hikaru joue avec les boutons de contrôle.

" Allô ? "

Elle appuie sur un bouton.

" Allô ? Il y a quelqu’un ? "

Elle appuie sur un autre bouton, allumant la radio.

" Non, ce n’est pas celui-là. "

Elle appuie sur un bouton, causant le retrait de la télé dans son compartiment.

Elle tape sur le clavier de contrôle.

" Ahhhhh ! Je n’arrive pas à le faire marcher ! Maintenant je n’aurai pas mon avion. Mais où m’emmènent-ils donc ? "

Elle frappe plusieurs fois à la fenêtre de séparation. Pas de réponse.

" Antibruit aussi ? Cette limousine est impressionnante ! Mais que vais-je donc faire ? "

J’allais me servir du téléphone pour appeler la police, mais soudainement mes bras devinrent comme deux poids. Je commençai à me sentir drôle, endormie même. Parler à Madoka tout en buvant du Champagne a dû me fatiguer. La douce, hypnotisante musique de piano provenant d’un C.D. était en train de me bercer. J’ai tenté de résister à l’envie de dormir, mais lentement, mon corps s’est abandonné et j’ai fermé les yeux. Bientôt, tout est devenu noir autour de moi…
 
 

Fin du chapitre I.